Le confinement a continué, et les lives ZSI aussi ! Nous avons eu l’honneur d’interviewer le Pr. Raphaël Sinna, chirurgien plasticien et chef de service au CHU d’Amiens.
Il nous parle de son activité, de ses techniques, et répond bien sûr à vos questions.
Retrouver le replay de l’interview ici !
Pouvez-vous nous parler de votre activité ?
Je suis chef de service de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique au CHU d’Amiens.
Qu’est-ce qui vous a amené aux chirurgies d’affirmation de genre ?
Je fais de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, sans limitation anatomique. C’est-à-dire qu’on va opérer le pied, la tête… Donc tout ce qui est chirurgies de réassignation de genre, ça reste de la chirurgie plastique. On va utiliser nos techniques de chirurgie plastique mais au niveau du phallus ou du vagin.
Comment vous êtes-vous spécialisé dans les phalloplasties ?
C’est le hasard total. J’ai un patient qui est venu me voir pour une retouche de mastectomie, puis il en a parlé à un autre patient qui est revenu pour une retouche de mastectomie, puis j’ai commencé à faire beaucoup de mastectomies, puis j’ai commencé à faire les phallos, après j’ai commencé à faire les féminisations, les vaginoplasties, et de fil en aiguille, voilà.
Faites-vous aussi des métoidioplasties ?
Oui, on fait de tout : mastectomies, phalloplasties, metaidoioplasties, bodybanking ou bodycontouring (prélèvement de la graisse au niveau des hanches par exemple) pour la réinjecter au niveau des pectoraux pour masculiniser le thorax. Chez les patientes, on fait les féminisations du visage, vaginoplasties, prothèses mammaires, etc.
Quelles techniques faites-vous pour la phalloplastie ?
Je n’ai pas de technique préférée. C’est une approche particulière. Les techniques de chirurgie plastique peuvent s’appliquer sur n’importe quelle partie du corps. On va demander au patient ce qu’il veut. En fonction de ce qu’il veut, on va voir sur son corps s’il y a une zone donneuse (c’est-à-dire une partie du corps qu’on peut prendre pour faire la phalloplastie) qu’il n’aime pas. Par exemple s’il a un peu de ventre, on va essayer de prendre cette partie-là pour refaire le phallus. Si jamais ça ne marche pas, il aura au moins le bénéfice secondaire de ce prélèvement-là. Donc la technique va dépendre du patient. Par exemple, j’avais un patient qui n’aimait pas ses petites poignées d’amour, donc on a pris ces poignées d’amour pour faire le phallus. Chaque patient est différent et on s’adapte à chaque patient.
La préparation de la zone donneuse va donc être différente en fonction de la zone, justement.
Exactement. On va privilégier les zones qui sont cachées comme le pli de l’aine (skip flap), l’abdomen, le dos. S’il n’y a pas de laxité, on sera amené à mettre des ballons à l’endroit qui dérange le moins le patient. Le but est d’étirer la peau, d’une part pour faire le phallus et d’autre part pour pouvoir fermer le site donneur sans créer de séquelles. L’avantage est qu’il n’y a pas de perte de chance pour le patient. L’inconvénient est qu’il y a une part d’inconnu, il faut s’y préparer.
Faites-vous aussi la technique antébrachiale ?
C’est la technique que je fais en dernier. J’ai du mal à créer une séquelle visible sur l’avant-bras. Je vais privilégier une zone que je vais pouvoir cacher, même si c’est techniquement plus dur. L’avantage est que si jamais ça rate, il y a un bénéfice secondaire pour le patient, et on pourra toujours envisager les techniques classiques.
Que se passe-t-il si la greffe ne prend pas ? Y aurait-il des solutions ?
En pratique, il y a des solutions partout. Il y a des vaisseaux sur tout le corps que l’on peut prélever. Donc on peut prélever de la peau sur quasiment tout le corps pour reconstruire en cas d’échec.
Vous faites aussi l’allongement de l’urètre ?
Oui, car la majorité de mes patients veulent uriner debout. Le plus souvent on utilise le skip flap, le lambeau inguinal (qui nous permet d’avoir un lambeau juste à côté pour refaire l’urètre).
On peut utiliser la muqueuse du vagin (la partie des petites lèvres) pour faire la connexion avec le néo-urètre. La muqueuse buccale, c’est vraiment en cas de problème de sténose, de fistule.
On parle de l’usage d’un muscle pour avoir une érection qui soit un peu plus naturelle. Que pensez-vous de cette technique ? La pratiquez-vous ?
Si on parle du muscle gracilis, c’est un muscle qui est le long de la cuisse et qu’on utilise beaucoup dans les reconstructions périnéales. On utilise ce muscle avec la peau pour refaire le phallus. L’intérêt, c’est que le nerf qui innerve le muscle est toujours là. Donc quand le patient serre les jambes, il peut contracter le muscle. L’inconvénient de cette technique est que cela dépend de l’anatomie du patient. On ne pourra pas le faire à tous les patients. Parfois le vaisseau est trop court, dans ce cas-là on est obligés de changer de technique.
Quelle est la taille moyenne d’une phalloplastie ?
J’ai tendance à faire des phallus de taille importante. Comme je prends une zone donneuse disgracieuse, je prends tout ce qui est possible. L’intérêt est qu’il n’y a pas de perte de chance. On peut parfaitement réduire si le patient trouve que c’est trop gros. Alors que si on ne prend pas assez, le patient peut être déçu de la taille mais on ne peut pas faire machine arrière.
Peut-on retoucher le gland pour avoir un effet circoncis si on a déjà une prothèse ?
Oui, la technique est assez simple. La prothèse ne va pas être un obstacle, sauf si la peau qui recouvre la prothèse est relativement fine. Dans ce cas, il y aurait un risque d’exposition et on ne le ferait pas.
Garde-t-on la sensibilité au niveau des tétons après une mastectomie ?
Ça dépend de la technique. Il faut imaginer que les nerfs partent du thorax pour aller jusqu’aux mamelons. Ils vont traverser la glande mammaire, or il faut qu’on l’enlève. Donc forcément les nerfs vont être coupés. En fonction de la taille de la poitrine et des tissus qu’on laisse, soit les nerfs sont respectés et la sensibilité est toujours là, soit les nerfs ont été coupés mais vont repousser, mais parfois ça ne revient pas du tout. Il peut y avoir une sensibilité pas forcément érogène, mais tactile.
Est-il vrai que la phalloplastie gagne en longueur avec l’implant hydraulique ?
Non, la phalloplastie n’est pas un tissu extensible. La prothèse n’est pas rétractable, et garde la même longueur. La taille de la phalloplastie reste donc la même, qu’il y ait un implant ou non.
Le dicklit est-il enfoui avec le nerf relié ?
Oui, on va l’avancer et l’enfouir dans la verge.
En fonction de la technique de phalloplastie choisie, est-ce que cela impacte la sensibilité érogène du dicklit ?
Non, car il va être enfoui de la même façon. Il va être à la base, donc toute stimulation du phallus stimulera le dicklit.
Est-ce que les complications liées à l’urètre dépendent des techniques de phalloplastie ?
Oui, ça dépend des techniques et du timing. Par exemple lorsqu’on fait le lambeau de l’avant-bras, la taille de l’urètre est relativement fine. L’avantage de le faire avec un skip flap (lambeau inguinal), on aura beaucoup plus de peau. Il y aura moins de problèmes de sténoses. Et s’il y a des complications, on pourra toujours rattraper le problème.
Une fois la phalloplastie en place, perd-on aussi le poids de la phalloplastie ?
Oui, mais cela dépend de la technique qui a été utilisée. La peau et la graisse gardent la mémoire du site donneur.
Vous avez surtout implanté nos prothèses hydrauliques. Quel est votre avis sur nos prothèses malléables ?
Par rapport aux phalloplasties que je fais avec une peau épaisse et de taille importante, je me demande si la prothèse malléable ne serait pas plus adaptée. Car il y aura déjà un beau volume donc le fait qu’elle soit un peu plus rigide ou pas ne va pas changer grand-chose. Mais je n’ai pas de préférence, c’est le patient qui décide.
Pouvez-vous nous parler de la méta ?
On va déplacer le dicklit pour l’avancer, l’isoler du reste du pubis, pour créer un néo-pénis. Souvent, il y a une nécessité de réduire le volume du pubis. C’est comme les augmentations péniennes chez les hommes cis, on va couper les ligaments suspenseurs, on va injecter la graisse au niveau du pénis, et on va aussi dégraisser le pubis pour avoir cet effet d’optique d’allongement du phallus.
Quelle technique favorisez-vous pour la vaginoplastie ?
L’inversion du pénis. Il y a aussi la technique de prélèvement du colon, mais on ajoute des complications digestives potentielles. Donc je garde cette technique en solution de back up. Il y a aussi une technique qui utilise le péritoine. Il semblerait que ça améliorerait la lubrification, donc c’est la piste de recherche actuelle.
Pour la vaginoplastie, faut-il s’en occuper encore quotidiennement plusieurs années plus tard ?
Cela dépend s’il y a des rapports sexuels ou pas. S’il y a des rapports, il n’y a pas besoin de dilater. Après ça reste une greffe, et donc il existe toujours une possibilité de rétraction, donc oui.
Participez-vous à des congrès pour partager vos techniques ?
Oui souvent. Après, cela ne fait que 5, 6 ans que j’ai commencé avec ces chirurgies et comme je fais d’autres choses aussi, je n’ai pas été à beaucoup de congrès concernant ce type de chirurgies. Mais maintenant que je commence à avoir plus d’expérience, je vais essayer d’aller à plus de congrès spécifiques.
ZSI est le seul fabricant européen de sphincter urinaire artificiel, d’implants péniens malléables et hydrauliques comme solutions à des problématiques urologiques masculines (incontinence), sexuelles (dysfonction érectile), et des procédures de réassignation de genre (prothèses pour personnes transgenres).